La fin de la terre et retour à la maison
Il y a ceux qui n'y pensent pas encore et ceux, obligés de reprendre leurs occupations.
Alors, certains s'enquièrent immédiatement d'un voyagiste et repartent le jour même, en train, en bus ; d'autres, des contrées lointaines, rejoignent Madrid pour un vol direct vers leur pays ; ou encore, réservent une place en bus, Euroline , se préparent à rouler, toute la nuit pour arriver au plus près de leur domicile, ces transports partent 2 fois par jour de Santiago et déposent les pèlerins le long de la route jusqu'à Paris. Tous, en cessant de marcher entament un sevrage, pas si facile à enregistrer dans la tête !
J'ai eu la chance d'avoir mon taxi personnel, par la venue de membres de ma famille à Santiago. Accueillie au camping, j'ai pu rester 2 jours sur place et voir les nouveaux arrivants surtout ceux que j'ai côtoyés dans cette longue randonnée. Le 3 ème jour, nous a conduit à Fisterra
Cap Finisterre à 90Km, s'atteint, à pied, en trois étapes, à travers les forêts d'eucalyptus parfumés, au bout de l'Europe ; l'océan, en contrebas, écume sur les têtes de rochers ; enfin la grande bleue et ses vagues ! A pied, en bus ou en voiture, l'ultime exil permet le nettoyage symbolique extérieur mais aussi, plus important et intime, un lâcher prise intérieur. De nombreux emplacements de brûlots sont visibles au bout du cap ; consumer les derniers restes est l'acte physique. La chaussure déformée et bayante, en bronze, du randonneur, montre dans quel état des pieds, enfermés, peuvent être meurtris. Le nettoyage est complété par un bain dans l'Atlantique, pas très chaud, même en août, mais tellement délicieux, il fouette la circulation sanguine, décontracte les terminaisons nerveuses, libère les articulations, masse les muscles.
Attention aux courants, danger : Les courants sous-marins, de l'océan, tirent vers le large et les sirènes de la mer attendent les aventuriers téméraires dans leurs bras. Ce n'est pas un conte pour ceux qui y ont été surpris.
Et après ? Ces moments de vie sont forts, ils laissent des traces profondes en chacun Certains se sentent fragilisés en retrouvant la routine d'avant. Ne plus être porté par l'ambiance peut déstabiliser qui n'y est pas préparé. D'autres changent d'organisation, quittent le quotidien, se lancent dans la découverte du monde. Les projets de vie sont renégociés, revus, tous cherchent à se rapprocher de la mère Nature. Beaucoup souhaitent retourner à Compostelle ou vers d'autres destinations plus lointaines : Rome, Jérusalem, la route de la soie... pour le plaisir de la marche dans un but religieux ou non. Se retrouver, garder des contacts, échanger peu ou beaucoup est un besoin entre pèlerins, surtout en cas de chemin à longue durée. Nous avons le sentiment que, seuls, les cheminants et ayant cheminés comprennent le vécu, le partage, la force, l'intensité apportés par la pérégrination. Les mots ne suffisent pas à dire ! C'est une invitation à endosser le sac, enfiler les chaussures, tenir le bourdon, coiffer la chapeau, marquer la coquille et s'émerveiller de la Vie.